Le froid peut-il aider à atteindre l’autosuffisance alimentaire et nutritionnelle ?
C’est la grosse interrogation du journaliste MAHAMADOU Almoctar du journal RACINES. MAHAMADOU Almoctar a participé ainsi qu’une soixantaine de journalistes au webinaire organisé par U-3ARC le 14 janvier 2025 sur le thème "Réfrigération et climatisation : ses défis pour un développement socio-économique durable et la liberté des peuples en Afrique."
Le journaliste MAHAMADOU Almoctar livre dans les lignes qui suivent une analyse de l’apport du secteur du Froid dans les pays Sahéliens et interpelle les gouvernants à agir.
Nous vous proposons in extenso son analyse...
Le froid peut-il aider à atteindre l’autosuffisance alimentaire et nutritionnelle ?
Je ne m’étais jamais posé cette question avant d’avoir participé à ce Webinaire animé le mardi 14 janvier 2025 vers 15 heures. Un webinaire au cours duquel une soixantaine de journalistes du Burundi, du Rwanda, du Cameroun, du Niger et du Burkina Faso y ont pris part. Ce webinaire a été, faut-il le préciser, animé par Madi SAKANDE, Expert en Froid, Consultant international pour de nombreux organismes onusiens opérant dans le secteur du Froid. Il est le Président de l’Union des Associations Africaines des Acteurs de la Réfrigération et de la Climatisation (U-3ARC)
De quoi s’agit-il ?
Madi Sakandé ayant passé du temps à observer les différents aspects du mercure dans ses formes les plus basses, s’est au fil du temps, élevé à un niveau nettement supérieur à celui d’entre beaucoup de ses concitoyens sur le sujet. Le webinaire dont il est ici question le prouve à suffisance et il l’inscrit dans une logique de partage d’information à chaud sur le froid. D’entrée de jeu, l’Expert fait remarquer que le passage des différents états de la matière (liquide, gazeux et solide) est régi par la chaleur : « Le froid n’existe pas. Le froid, c’est l’absence de la chaleur » affirme-t-il. Comme vous le savez, chez nous au Sahel, le mercure est rentré dans tous ses états ces dernières années. Ses pics de colère sont à la limite du supportable. De nombreuses personnes l’ont vécu à leur dépend surtout l’année dernière en 2024 où les inondations ont touché la quasi-totalité des pays de cet espace géographique africain. Mais pas que. La chaleur poussée à son extrême a aussi fait des victimes.
Doit-on alors rester les bras croisés à attendre encore et toujours comme d’habitude que l’Occident vienne nous dicter la conduite à tenir ?
De nos jours, il faut se convaincre d’une chose : « Le froid ne doit plus être un confort réservé à une élite. C’est tout simplement un outil de développement durable ».
En effet, pour protéger la santé des populations vivant au Sahel, il faut améliorer leurs conditions de travail, mais aussi et surtout préserver les aliments dans l’optique d’une souveraineté alimentaire. De ce fait, il faut faire la politique de ses moyens. Imaginons un seul instant la vie dans nos bureaux où se fait un travail remarquable de réflexion des agents de l’Etat et ceux du privé; ou même chez vous à domicile, s’il n’y avait pas de climatisation pour créer un cadre de vie agréable. Tout le monde sait qu’il est impossible de tenir dans ces bâtiments dits modernes fait de béton avec du fer en dessous et dont la plupart des ouvertures sont fermées avec du verre. Ces abris sont à l’antipode de nos maisons en banco d’antan ou des cases en paillotte bâties par nos grands-parents. Ceux-là étaient de véritables experts qui s’étaient mieux adaptés à leur environnement.
Je ne demande pas que nous retournions dans des cases en ce vingt-et-unième siècle. Mais rappelons qu’auparavant, derrière ces cases en paille se pratiquait une agriculture qui permettait à nos grands-parents de vivre. Et, c’est là où je voulais en venir, car de nos jours il va falloir trouver un moyen de conserver notre production agricole de plus en plus importante en quantité.
Précisons ici utilement ceci :
Qu’en est-il alors des produits laitiers, des légumes, de certains fruits, des viandes, du poisson, etc. dont la durée de vie est courte s’ils sont laissés à eux-mêmes ?
Seule la chaine de froid, si elle est bien tenue, car ayant aussi ses exigences, permet une longue conservation et sans changement d’aspect physique de nos aliments. De grandes quantités d’aliments sont perdues au quotidien dans nos pays soit par absence de chaine de froid, soit par sa mauvaise utilisation. En effet, la congélation, le retrait des aliments de la chaine de froid et leur re-congélation peut parfois s’avérer très dangereux pour notre santé.
Doit-on continuer à perdre de grandes quantités de nourriture alors qu’elles ne suffisent pas pour tous ?
Devrions-nous arrêter de produire et perdre ainsi avant même de les avoir enregistrées, des sommes d’argent colossales, faute de moyens de conservation dans la chaine de froid ?
« Qui veut aller loin ménage sa monture » dit-on. Il va donc falloir anticiper. En effet, l’Afrique doit cesser de danser et chanter un temps pour anticiper dans tous les domaines essentiels de la vie afin de ne pas se faire encore « surprendre par des peuples plus austères » comme l’a si bien dit Henri Lopez. Pour ce faire, commençons déjà par recenser les acteurs intervenant dans le domaine du froid. On doit les outiller conséquemment par des formations et les accompagner ensuite avec du matériel de travail adéquat. Nous pourrions alors nous projeter d’une certaine façon et de façon certaine sur les années à venir et répondre présents à tous les rendez-vous des peuples du monde sans gêne.
On dit souvent : « Si vous pensez que l’éducation est chère, tentez l’ignorance ».
Si nous disons que le froid coûte cher, nous dépenserons assurément plus d’argent à réparer les problèmes liés au manque de froid à l’avenir. A titre d’illustration prenons un exemple simpliste. Essayons de mettre une certaine quantité de nourriture dans une assiette à l’air libre et une autre assiette dans un réfrigérateur. Au bout de deux jours quel sera la nourriture que vous seriez à même de consommer sans hésitation ? La réponse est connue de tous. En effet, au moment où le contenu de l’assiette laissé à l’air libre sera dans un état de décomposition avancée, celui conservé au frais sera tenu intact grâce au froid et pourra être consommé sans risque et peut être même avec plus d’appétit qu’au départ. On peut à ce niveau faire remarquer que « le froid prolonge la comestibilité de nos aliments ».Imaginez que ce soit des quantités importantes de nourriture et la perte qui découlerait de l’absence de la chaîne de froid.
On peut dire ici sans risque de se tromper que « si la production était une locomotive, le froid serait sans aucun doute les rails ».
D’après notre expert, dans les pays africains, la carence dans la conservation du froid est à l’origine de pertes estimées à environ 70% des produits halieutiques. La quantité de revenus relative est énorme et va alors en perte sèche. La formation des frigoristes aux nouvelles techniques du domaine devient alors un MUST. Il faudrait aussi accompagner la formation par des séances de sensibilisation à différents niveaux de responsabilité. Sur le registre de la production, on a constaté une perte significative après les récoltes dans les endroits où la chaine de froid n’est pas accessible aux marchés parfois par manque de route. La chaîne de froid, nous le voyons, peut bel et bien contribuer à augmenter la sécurité alimentaire et nutritionnelle et donc contribuer à la croissance économique.
Au Sahel, la question du froid est toujours abordée avec une certaine appréhension : ‘’Le froid coûte cher’’ dit-on !
Cela est vrai dans nos pays où l’électricité coûte cher. Mais ça dépend aussi de l’angle où l’on se situe pour apprécier le problème. Avec l’avènement de l’Alliance des Etats du Sahel (A.E.S), le Sahel est à un tournant décisif de son histoire sur le plan de la souveraineté. De ce fait, Personne ne viendra agir pour notre bien à notre place. Il est donc bon, sinon impératif de prendre de l’avance, pour anticiper sur toutes les questions de développement. Pour ce faire, il faut avoir de la hauteur de vue afin de diagnostiquer les problèmes. Il faut surtout être capable de poser les bonnes questions sur la bonne marche du continent relative aux problèmes de l’heure. Le changement climatique par exemple, qui impacte l’Afrique tout comme le reste du monde à des degrés divers est un sujet important et d’actualité.
Les dirigeants de l’A.E.S que je salue au passage non pas par démagogie mais par respect profond et sincère pour leur vision, ont donné l’impulsion de la souveraineté. Il nous appartient donc, nous populations du Sahel, chacun dans la sphère de ses compétences de réfléchir pour voir non pas ‘’ce que l’AES peut nous donner, mais ce que nous pouvons offrir à cette alliance’’.
Pourquoi alors ne pas songer déjà à créer une agence confédérale de l’AES pour le développement du FROID ?
C’est à travers des options comme celle-là que les acteurs du secteur du froid pourront anticiper et jouer pleinement leur rôle d’avant-garde.
MAHAMADOU Almoctar
Journal RACINES